Digital Service Act : la censure, nouvelle valeur de l’Union européenne

2023-09-26
Temps de lecture 5 min
L’entrée en vigueur du DSA, le Digital Service Act (Règlement sur les services numériques), fin août, marque un tournant inquiétant dans l’évolution de l’Union européenne et de son rapport à la liberté d’expression. La Commission européenne se dote en tout cas d’un outil puissant pour étendre son influence sur les réseaux sociaux des européens et forcer à la censure, y compris préventive.

Si l’expression d’euro-goulag est en vogue, ce n’est pas un hasard, et c’est tout juste une exagération qui a pour but de tirer la sonnette d’alarme. Avec l’entrée en vigueur, le 25 août, du DSA, l’Union européenne continue son évolution, somme toute, illibérale et autoritaire.

Bien entendu, et comme toujours, l’enfer est pavé de bonnes intentions. L’objectif affiché par la Commission européenne est de lutter contre la désinformation et les contenus de haine. Et puis, pour rendre le tout encore plus attrayant et moralement acceptable, le DSA, nous dit-on, protègera les mineurs, comme par exemple de la publicité ciblée.


Mais alors, que redire à cette formidable avancée ?

Le premier hic, c’est l’obligation des plateformes de réseaux sociaux et des moteurs de recherche avec plus de 45 millions d’utilisateurs actifs – loin de moi l’idée de me faire leur avocat, mais… – de coopérer avec, je cite, des « signaleurs de confiance », qui ne sont d’autres que des organes, associations et individus reconnus et labellisés au sein de chaque État membre.

Bien entendu, il va de soi que ces organisations et individus seront patentés par les institutions de l’Union européenne. Et nous voilà là avec un outil de censure politique.

Toute opinion contraire à la doxa de l’UE, toute critique virulente ou tout avis mesuré mais hautement contradictoire par rapport à la ligne officielle de l’Union européenne, pourrait bien aboutir à une demande de censure.

En d’autres temps, ces personnes et organismes labellisés s’appelaient des censeurs, des commissaires politiques, des fonctionnaires du ministère de la propagande. Mais l’Union européenne, plus faible et plus molle que ses défunts prédécesseurs à velléités totalitaires, a une capacité spéciale : trouver des euphémismes ridicules pour maintenir l’illusion.

Ainsi, nous aurons donc à faire à des « signaleurs de confiance ». D’emblée, j’ai plutôt envie de les appeler « fiables balances », ou «  bons délateurs ». « Bénéfiques indics », « cafards du net » ou « mouchards virtuels », pas mal non plus. Pourquoi pas encore « sycophantes patentés », mon préféré.

Nous verrons si nous pourrons utiliser ces appellations alternatives sur les réseaux sociaux à l’avenir. Rien n’est moins sûr. Critiquer ceux qui contrôlent le droit à la critique, est-ce bien raisonnable ? Ils ont, par définition de leur rôle, raison. Ce sont les gardiens de la Vérité.

En tout état de cause, le DSA permet de menacer très lourdement les sites actifs dans l’Union européenne. En cas de non-respect de la directive DSA, des sanctions très lourdes sont envisagées pour les médias sociaux, avec des amendes pouvant atteindre jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires et une suspension provisoire du droit d’émettre au sein de l’Union européenne.

Concrètement, ce type de règlementation particulièrement floue, et donc laissant le champ libre à l’interprétation politique des censeurs disposant d’un moyen de sanction arbitraire, va entraîner de toute évidence une politique de censure préventive sur les moteurs de recherche et réseaux sociaux principaux.

Dans une certaine mesure, le parallèle pourrait être établi avec les banques qui ont illégalement suspendu ou fermé les comptes bancaires de clients impliqués en politique, même indirectement, pour éviter de façon préventive les foudres des régulateurs financiers qui se trouvent au-dessus des banques commerciales. C’est le cas en République française, où des entrepreneurs coopérant avec le Rassemblement National subissent ce genre de traitement illégal et illégitime dans l’indifférence généralisée.

Par ailleurs, c’est, de nouveau en dehors des traités, un pouvoir supplémentaire qui est donné à la Commission européenne qui avait décidé unilatéralement en mars 2021 d’interdire un certain nombre de médias d’État russes après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, alors que cela devrait être une prérogative nationale.

On peut aussi aisément imaginer que le rôle croissant de l’OMS, avec notamment son traité mondial prévu pour 2024, sera largement facilité et uniformisé par l’Union européenne, qui constitue une excellente courroie de transmission de la globalisation.

Pour faire simple, le pire est à attendre au niveau de la censure des réseaux sociaux en Europe avec l’entrée en vigueur du DSA, dont le Commissaire européen Thierry Breton a promis une application rigoureuse.

Selon le commissaire européen au marché intérieur français Thierry Breton, « dans bien des cas, l’espace numérique est une zone de non-droit. Il s’agit pour l’Europe de reprendre la main sur les plateformes structurantes […] Le fil conducteur du DSA est simple : ce qui est autorisé offline doit l’être online, ce qui est interdit offline doit l’être online. Que l’on parle de contrefaçon, d’antisémitisme, de pédopornographie, de menaces de mort ou de vente de drogues, tous les contenus illégaux doivent être retirés. Les contenus haineux, l’amplification de la violence verbale et physique, la désinformation doivent être identifiés comme tels et traités en conséquence. Tout ce qui est interdit dans l'espace public sera aussi interdit dans l’espace online. »

Il ne reste plus qu’à modifier la Loi sur ce qui est autorisé « offline », pour sortir totalement du paysage intellectuel, médiatique et tout simplement public tout un tas d’idées, d’opinions ou de questions qui dérangent le pouvoir – de plus en plus central – de Bruxelles.

On interdit d’abord le racisme et l’antisémitisme, puis, comme actuellement en République française, on propose de condamner à de la prison ceux qui tiennent de tels propos. Ensuite, l’homophobie. Puis, la grossophobie, ou l’hostilité aux pédophiles ? Le climatoscepticisme ? Ensuite, l’Unioneuropéanophobie ? La vanderleyenophobie ?

Mettre le doigt dans l’engrenage de la censure sur une base morale est une erreur stupide, au mieux, et que les eurocrates aillent relire Kant et Spinoza pour s’en rendre compte.

Au pire, cette institutionnalisation de la censure politique à grande échelle est une attaque d’autant plus grave contre nos libertés qu’elle volontaire et appliquée consciemment.

Le peuple pense mal, qu’il cesse donc de s’exprimer. Nombreux sont les europhiles qui se réclament d’une technocratie où les citoyens n’auraient plus vraiment leur mot à dire, et où les technocrates n’auraient plus de compte à rendre. Nous nous en approchons encore un peu plus.

Mais comme le disait le dramaturge français Eugène Scribe – bon exemple d’aptonyme –, « On crie beaucoup contre la censure - elle nous oblige souvent à avoir de l'esprit. »

Alors, si censurés nous serons, malins nous serons, amis lecteurs. Nous en reparlerons, je l’espère, ici, tant que Deliberatio ne sera pas censuré.

 

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