Depuis 2015, le sujet de l’immigration est devenu un thème majeur en Europe centrale, où depuis la chute du communisme soviétique, c’est bien plus l’émigration qui était un phénomène de société. Mais depuis la fameuse « crise des migrants » le long de la Route des Balkans, beaucoup de choses ont changé. Et les visages que l’on voit dans les rues de Varsovie, Budapest, Prague ou Bratislava changent aussi.
Été 2015. En quelques semaines, une véritable route migratoire s’est mise en place depuis la Turquie et la Grèce vers la Hongrie, gardienne de la frontière sud-est de l’espace Schengen. Réseaux de passeurs et ONG, en surface, organisent le phénomène. Très vite, ce sont près de 10.000 personnes par jour qui entrent illégalement dans l’espace Schengen. Débordée en essayant d’appliquer à la lettre les règles de l’espace Schengen, la Hongrie appelle à l’aide l’UE, qui dénonce l’attitude xénophobe de la Hongrie. Viktor Orbán prend alors une mesure radicale : il fait construire en deux mois une barrière frontalière, gardée depuis par la police et l’armée, le tout avec l’aide des autres pays du Groupe de Visegrád.
L’opération est un succès immédiat. Les clandestins qui tentent encore leur chance sont systématiquement renvoyés vers la Serbie et ceux déjà présents en Hongrie sont transportés en masse à la frontière autrichienne un soir de septembre 2015. Le chancelier autrichien de l’époque, Faymann, avait critiqué la gestion hongroise en la comparant aux méthodes de l’Allemagne nazie. Il reprochait à la Hongrie de ne pas laisser les clandestins continuer leur route vers l’ouest. Qu’à ce cela ne tienne, la Hongrie a fini par les lui apporter.
Depuis lors, la question de l’immigration, en particulier illégale, est devenue un thème permanent de la politique en Europe centrale. Alors que ces pays de l’ancien bloc de l’Est commençaient à atteindre des niveaux de vie intéressants pour des candidats à « une vie meilleure » venant d’en dehors de notre continent, tous les partis politiques ont dû se prononcer sur le sujet. Avec des populations hostiles à 90 % environ à une immigration extra-européenne, même les partis progressistes et européistes ont dû se déclarer a minima en faveur du contrôle des frontières.
Ce qui nous amène à une autre facette de la problématique, bien plus complexe : l’immigration légale. L’opposition à Berlin et à Bruxelles sur la gestion de l’arrivée massive de clandestins en 2015 a conduit les pays d’Europe centrale à gagner la première manche d’un bras de fer. L’opposition aux quotas de redistribution est jusqu’à ce jour, même si on en n’entend moins parler qu’en 2016, une pomme de discorde et un outil de chantage envers la Pologne et la Hongrie en particulier, qui continuent de s’y opposer frontalement, quitte à voir les fonds qui leurs sont dus par l’UE continuer d’être retenus illégalement par la Commission européenne.
Il faut dire que ni le PiS en Pologne, qui fait face à une élection difficile dans moins de six mois, ni le Fidesz, qui a sauvé sa domination sur l’espace politique hongrois en 2015 en durcissant le ton sur l’immigration, ne peuvent lâcher sur la question des clandestins. Mais qu’à cela ne tienne, la pression que les institutions européennes exercent sur la Pologne et sur la Hongrie concernant l’immigration légale ne cesse de croître et les deux enfants terribles de l’Union ont été contraints de lâcher du lest.
C’est que Varsovie et Budapest sont prises à la gorge par le chantage illégal des institutions européennes, cache-sexe de la machinerie économique allemande qui prend sa revanche sur la fronde illibérale de 2015. Avec des milliards d’euros suspendus, dans un contexte d’inflation, de crise énergétique et de reprise post-Covid particulièrement difficile, le non-versement des fonds NextGen est un instrument d’ingérence terriblement efficace. Et à la manœuvre, on retrouve de misérables histrions de la politique européenne, obsédés par un immigrationnisme maladif, tel l’eurodéputé vert Daniel Freund.
Aussi bien en Pologne qu’en Hongrie, deux pays à la démographie et aux salaires faibles, et donc subissant une émigration structurelle vers l’ouest qui les prive d’une partie importante de leurs forces vives, la croissance économique permanente a mécaniquement amené un phénomène nouveau (depuis la chute du communisme, mais qui a existé par le passé, surtout en Hongrie, lorsque ces deux pays étaient de grandes puissances régionales…) : l’immigration de travail.
Bien entendu, en première place des immigrés légaux venus travailler, on trouve les Ukrainiens. Population culturellement, moralement et ethniquement assez proche, surtout en Pologne, les problèmes que pose cette immigration restent mineurs. Il y a de plus partout en Europe centrale une tradition de vivre côte à côte avec d’autres ethnies de la région. Ainsi, il ne paraît pas choquant que des communautés ukrainiennes se forment ici et là, ou que des quartiers s’ukrainisent.
En revanche, on constate une explosion du nombre de visas délivrés par la Pologne et la Hongrie à des pays comme le Vietnam, l’Inde, le Bengladesh, la Turquie, l’Azerbaïdjan, la Chine, l’Égypte, ou bien la Corée du Sud. De plus en plus d’Arabes ou d’Africains sont également visibles dans les centre-villes des capitales d’Europe centrale.
Si parler de Grand Remplacement ou de submersion migratoire serait une exagération éhontée, il faut simplement ici relever un changement qui marque un palier : les pays d’Europe centrale sont devenus attractifs pour les extra-européens en quête d’un plus grand confort matériel.
L’appel d’air généré par le manque de main d’œuvre et une économie dynamique amènent inévitablement ce phénomène, mais on doit aussi prendre en compte la pression de l’UE qui a un agenda immigrationniste assumé. Il semble donc que les gouvernements de Pologne et de Hongrie aient choisi le moindre mal, en sélectionnant leurs immigrés.
Ainsi, en 2021, la Pologne a émis près d’un million de permis de résidence pour des personnes qui ne sont pas citoyennes de l’UE. C’est trois fois autant que la France. Et la Hongrie, qui en 2015 avait émis 20.000 permis, en a émis 58.000 en 2021. Dans les deux cas, les Ukrainiens bénéficient de la majorité des permis. Mais le nombre d’extra-européens a augmenté en flèche. On sait aussi, même si les chiffres restent très difficiles à trouver sur ce sujet – on devine pourquoi – qu’une grande partie de ces immigrés légaux profitent de la Pologne et de la Hongrie comme portes d’entrée vers d’autres pays de l’UE.
Mais ne jetons pas la pierre à la Pologne et la à Hongrie : c’est le droit de l’UE qui permet cela, la même UE qui exerce un chantage délirant et illégal contre deux pays pour qu’ils acceptent justement plus d’immigrés. Alors, à défaut d’empêcher toute immigration, Budapest et Varsovie essayent de choisir au maximum les pays d’origine et les profils, en faisant au mieux pour que l’immigration ne soit qu’une immigration de travail. Sauf que là aussi, le droit de l’UE vient imposer le regroupement familial et les procédures – ou plutôt, souvent, l’absence d’application des procédures – permettant de rester sur le sol européen malgré l’expiration d’un permis, ouvrant ainsi la voie à une immigration plus importante à l’avenir, y compris en Europe centrale.
En attendant, les sociétés de travail précaire (services de taxi et de livraison) se démarquent comme des pompes aspirantes. En moins de trois ans, l’immense majorité des chauffeurs et livreurs à Varsovie et à Budapest n’ont plus de traits européens. Plusieurs viols par des chauffeurs de VTC ont d’ailleurs déjà eu lieu en Pologne. Mêmes causes, mêmes effets. L’Europe centrale ouvre un nouveau chapitre de son histoire, où rien n’est encore écrit. Mais ce combat sera plus difficile que celui contre l’immigration illégale.
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