« Prends ça, Poutine ! » se dit Nathalie dans son 28 m² parisien à 1000€ par mois. Elle est certaine que sa douche tiède et courte fut sa première BA (sigle usuel chez les professionnels du Bien, désignant une Bonne Action) du jour pour lutter contre la dictature, et pour la démocratie et le climat. On ne rigole pas avec ça, surtout en ces temps troublés. D’ailleurs, son boulanger vient d’annoncer qu’il fermera la semaine prochaine. Salauds de russes!
Caricature ? À peine. Si le trait est forcé, ces profils existent réellement et méritent un petit rappel des réalités. On pourrait aussi parler de ceux qui se croient en danger à cause de personnes non-vaccinées – avec un vaccin qui n’empêche pas la contamination – contre une maladie du même ordre que la grippe, ou encore de ceux qui pensent que les avantages de quelques centaines d’euros de telle ou telle profession est une problème sérieux pour les finances d’un pays occidental.
Car pendant ce temps-là, pendant que la plèbe abrutie par une communication de plus en plus totalitaire s’entredéchire sur le rhume-19, les mystérieuses raisons de la flambée des prix de l’énergie, le soutien à tel ou tel lointain dirigeant post-soviétique corrompu ou encore sur la tenue vestimentaire de personnes qui n’ont rien à faire en Europe – tout en omettant de jeter un œil à la tenue vestimentaire des autochtones –, les gens sérieux, eux, travaillent. Et le travail, ça paye.
Officiellement, on nous annonce que l’on n’achète plus de gaz et de pétrole à la Russie. Ou du moins, que c’est bientôt fini. Qu’on a déjà réduit. Les achats européens d’hydrocarbures russes ont pourtant atteint des records en 2022. Et bien plus encore que la quantité, on devrait s’interroger sur le coût pour nous et les bénéfices réalisés par la Russie dans ce contexte.
Suite de la farce : nous n’achetons plus de pétrole ni de diesel à la Russie, mais par exemple à l’Inde… qui elle achète le pétrole russe et le raffine chez elle pour nous le revendre avec un bénéfice de 25 % au lieu des 7 % habituels.
Et ne parlons même pas de « l’emprunte carbone » du transport par bateau de ce pétrole qui passe par l’Arctique puis soit par l’Atlantique soit par le Pacifique pour rejoindre l’Inde… avant de voyager de nouveau, pour l’Europe cette fois. Du délire.
Au printemps, le Nord-est des USA a acheté des barils au double du prix à la Russie.
Récemment, j’ai discuté avec un ami de longue date qui travaille dans la finance en Suisse. Cet ami m'a expliqué que 2022 a été une année incroyablement bonne pour son secteur. Pas de guerre sur ce terrain entre Oceania et Eurasia. Pendant que certains s’époumonent contre Goldstein, non, pardon, Poutine, dans leurs Deux Minutes de la Haine quotidiennes, les affaires continuent et personne n’en parle.
Dans la finance, c’est « Noël tous les jours » m’explique mon informateur. Certains secteurs ont vu leur bénéfice multiplié par 10 ou 15 en 2022, notamment ceux qui travaillent sur le gaz et l’électricité, indexée sur le gaz dans la plupart des pays européens.
Certains traders suisses ont ramassé des bonus de 150 millions d’euros pour leur petit jeu sur le marché de l’énergie européenne. Oui, oui, c’est eux que vous pouvez remercier pour leur rôle dans l’explosion de votre facture d’énergie. Eux aussi vous remercient de financer leurs primes.
Voilà un peu où nous en sommes réellement. Pendant que des frères s’entretuent dans une guerre d’une intensité inédite en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale, que les petits commerçants européens sont ruinés, que les ménages de l’UE doivent baisser le chauffage chez eux, que des écoles ferment en hiver pour ne pas avoir à chauffer et que la jeunesse de Russie et d’Ukraine est massacrée alors que ces deux pays ont déjà une démographie effroyablement basse, d’autres s’engraissent.
Les profiteurs de guerre, tout comme les requins qui s’enrichissent en temps de crise, ont toujours existé. L’opportunisme est un sale caractère chez certains humains. Mais les laisser faire relève de la bêtise et de la complicité.
Tout ça pour dire que ceux qui prennent trop au sérieux la narration guerrière, le sauvetage du climat, ou l’idée de crise économique – n’oublions pas la tragicomédie covidienne – sans élever la voix contre l’outrancière manipulation sur le marché de l’énergie et la réorganisation du monde sont les dindons d’une farce infecte menée par ceux que le grand poète hongrois Endre Ady appelait « les grands seigneurs à têtes de porcs ».
En 1976 sortait le film « Network », dans lequel Arthur Jensen, interprété par l’excellent Ned Beatty, explique au personnage de Mr Beale, interprété par Peter Fynch, le Nouvel Ordre Mondial. Ceux qui n’ont pas encore compris ce qu’il y a dans l’extrait ci-dessous ont au minimum 50 ans de retard sur la compréhension de la politique contemporaine.
Vidéo : https://youtu.be/V9XeyBd_IuA
« Vous êtes un vieil homme qui pense en terme de nations et de peuples. Il n’y a pas de nations. Il n’y a pas de peuples. Il n’y a pas de Russes. Il n’y a pas d’Arabes. Il n’y a pas de Tiers Monde. Il n’y a pas d’Occident. Il n’existe qu’un système holistique de systèmes. Un système immense, entrelacé, interagissant, multivariable, un empire du dollar. Pétro-dollars, électro-dollars, multi-dollars, Reichsmarks, rins, roubles, livres et shekels. (…) Il n’y a pas d’Amérique. Il n’y a pas de démocratie. Il y a seulement IBM et ITT et AT&T et DuPont, Dow, Union Carbide et Exxon. Voilà les nations aujourd’hui. »
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