L’Azerbaïdjan, le nouveau partenaire incontournable
Sans surprise, la crise économique et énergétique, accentuée par la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, a été le moteur de l’actualité hongroise du mois de janvier. Contrainte à la diversification de ses approvisionnements énergétiques par l’UE dans le contexte du divorce durable de l’ouest européen et de la Russie, la Hongrie a renforcé son partenariat avec l’Azerbaïdjan.
Le 30 janvier, les drapeaux des deux pays flottaient sur le pont Erzsébet, au cœur de Budapest : le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev venait en personne rencontrer Viktor Orbán au cloître des Carmélites, le siège de l’homme fort magyar. Au programme des discussions, acter que l’Azerbaïdjan n’est plus un « ami » mais un « pays stratégiquement important pour toute l’Europe ». Sept accords ont été signés par ailleurs, renforçant la coopération dans les domaines du gaz naturel, de l’agriculture, de l’exploration spatiale et de la migration.
En effet, Orbán l’a exprimé clairement : « La nécessité d’une diversification énergétique renforcera la valeur de l’Azerbaïdjan ». Cette ex-république soviétique, proche de la Turquie et qui depuis peu, malgré son contentieux avec l’Arménie et un régime politique qui ne correspond pas vraiment aux attentes de Bruxelles – vis-à-vis, par exemple, de la Hongrie – est devenu un pays incontournable pour l’Union européenne.
Déjà au sommet de Bucarest de décembre 2022, la Roumanie et la Géorgie se joignaient à la Hongrie et l’Azerbaïdjan pour annoncer en grandes pompes le projet de la plus longue ligne électrique sous-marine du monde, reliant, en passant au fond de la mer Noire, l’Azerbaïdjan à la Hongrie.
Évidemment, adepte de la politique de l’équilibre et ayant réussi à diversifier ses contacts diplomatiques bien avant ses approvisionnements énergétiques, Viktor Orbán a en amont (début décembre) rétabli les relations diplomatiques avec l’Arménie après dix ans de rupture. La raison de cette rupture des relations diplomatiques était un sordide fait divers ayant eu lieu en Hongrie, dans lequel un azéri avait assassiné un arménien. La Hongrie avait ensuite, à la demande de Baku, extradé le « tueur à la hache », provoquant l’ire de l’Arménie, en conflit permanent avec l’Azerbaïdjan.
Ukraine, Tchéquie, Slovaquie, problèmes de voisinage
Malgré le brio avec lequel Orbán mène sa diplomatie, une zone d’ombre apparaît de manière évidente quant aux relations avec certains pays, et pas n’importe lesquels.
Tout d’abord, les deux partenaires au sein du Groupe de Visegrád, la Tchéquie et la Slovaquie, sont ostensiblement en froid avec la Hongrie. Les déclarations du ministre slovaque des Affaires étrangères sont sans équivoque : « Selon mes critères […], la Hongrie n’est pas une démocratie de style occidental. Je le vois comme ça, et j’en suis vraiment désolé, mais c’est le seul pays de l’Union européenne qui n’est pas une démocratie de style occidental à part entière. Et ce n’est pas seulement mon avis, c’est l’avis majoritaire du Parlement européen et de la Commission européenne, et mes collègues avec qui j’ai discuté pensent aussi la même chose. Peu importe que l’on le dise de manière plus forte ou plus diplomatique. »
Par ces propos, Rastislav Káčer rejoint donc le mainstream de l’Union, qui accuse notamment la Hongrie de ne pas respecter « l’état de droit », notion floue et non définie dans les traités en vigueur, de plus en plus synonyme de démocratie technocratique libérale que de respect du droit universel.
En Tchéquie, l’élection fin janvier de l’ancien général du Comité militaire de l’OTAN Petr Pavel n’arrange pas les choses pour Viktor Orbán : résolument atlantiste et progressiste, Petr Pavel n’a d’ailleurs pas attendu longtemps, alors qu’il n’est pas encore investi, pour pointer du doigt Viktor Orbán.
Pour le président-élu tchèque, le limogeage de près de deux cents officiers de l’armée hongroise est un geste de dé-OTAN-ification de l’armée hongroise, en faveur des officiers pro-russes. Un avis que ne partagent pas les experts militaires et qui n’est attribuable qu’au député eurofédéraliste d’opposition Ágnes Vadai, connue pour ses buzz.
Au contraire, le rajeunissement du corps des officiers, conséquence du décret ministériel du 17 janvier, favorise les jeunes officiers qui ont une expérience à l’étranger, au sein des forces de l’OTAN, qui ont une connaissance de l’anglais et qui répondent aux besoins de modernisation de l’armée hongroise selon les standards de l’OTAN.
Mais le président Pavel, qui était venu en Hongrie en décembre pour rencontrer les figures de l’opposition de gauche hongroise, dénonce aussi bien entendu la position hongroise relative à l’Ukraine, disant que « si l’on pense comme Orbán, alors la victoire serait l’arrêt de la guerre à ce stade, donner aux Russes ce qu’ils ont pris jusqu’à maintenant et signer un accord. Mais je crois que sur ce point, cela dépend entièrement des Ukrainiens de définir ce que serait la victoire ».
C’est que la Hongrie, en froid avec l’Ukraine depuis des années suite aux politiques centralisatrices de Kiev, ne voit pas d’un bon œil le traitement des Hongrois ethniques de Subcarpatie ni l’armement massif d’un voisin dont des représentants menacent régulièrement la Hongrie par voie de presse. Sans parler du soutien du président Zelensky à l’opposition de gauche lors des élections hongroises d’avril 2022, finalement remportées haut la main par Viktor Orbán.
Lors d’une discussion en off avec des journalistes et enseignants étrangers et travaillant en Hongrie sur invitation du MCC, structure d’enseignement proche du gouvernement, Viktor Orbán a énoncé deux opinions qui n’ont rien arrangé à la situation tendue avec son voisin oriental. Non seulement Viktor Orbán a dit que l’Ukraine allait perdre la guerre et que la situation allait encore se dégrader sérieusement pour elle, mais il a également qualifié l’Ukraine de « no man’s land ». Selon le Premier ministre hongrois, le but de Poutine est de faire de l’Ukraine une ruine, notamment pour que l’Occident ne puisse pas l’ériger en trophée. Et pour Viktor Orbán, cet objectif est déjà atteint, a-t-il expliqué, avant de comparer l’Ukraine à l’Afghanistan.
Gel des prix et mesures natalistes
Malgré un renforcement notable du forint des dernières semaines, la situation économique n’est pas au beau fixe et comme ailleurs, des petits commerces ferment du fait de la hausse des prix de l’énergie. Tout particulièrement, les prix de l’alimentaire continuent de grimper.
Dans ce contexte, le gouvernement hongrois a décidé de prolonger jusqu’au 30 avril les prix gelés sur les produits alimentaires de base que sont le sucre semoule, la farine de blé, l’huile de tournesol, la cuisse de porc, le blanc de poulet ainsi que la carcasse de poulet, les œufs, les pommes de terre et le lait UHT.
Début janvier, une autre mesure sociale est elle entrée en vigueur, s’ajoutant à la longue liste des mesures natalistes : les mères de moins de trente ans sont désormais exemptées d’impôts sur le revenu. Cette mesure est valable à partir de la 12e semaine de grossesse et jusqu’à l’année fiscale au cours de laquelle la femme en question atteint ses 30 ans.
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