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Le nid d’agents russes en France est-il dangereux? Les réseaux de la droite et la désinformation russe

2023-02-08
Temps de lecture 15 min

Le « parti russe de France » est très protéiforme, ce qui lui permet de toucher plusieurs catégories de la population grâce à des discours différents. Dans ce parti, vous avez des hauts fonctionnaires français, des généraux, des anciens officiers du renseignement, des diplomates, des anciens ministres, des chefs de partis. A droite, je pense que l’encadrement de la base du RN et de « Reconquête » ainsi que les politiques et principaux influenceurs qui se réclament du gaullisme (voir mon article : https://deliberatio.eu/fr/essais/de-gaulle-serait-il-aujourdhui-pro-russe) sont à 80% prorusses ou « poutino-relativistes ». Ils relativisent la culpabilité de Poutine et accusent la victime, l’Ukraine et ses défenseurs occidentaux, de mille maux. Ils vont jusqu’à utiliser une rhétorique gauchisante en présentant Poutine comme une victime du système occidental colonialiste.

Ainsi, une écrasante majorité des intellectuels, journalistes et leaders d’opinion politique sur les réseaux sociaux, qui sont non progressistes, ont adopté le narratif russe sans aucun esprit critique. Tout en condamnant par principe l’agression russe, ils appellent à l’arrêt de l’envoi d’armes à l’Ukraine, pour « ne pas prolonger la guerre ». Ce serait entendable si, en même temps, ils ne demandaient l’arrêt des sanctions contre la Russie qui aurait pour effet immédiat un afflux massif d’argent frais pour l’Etat russe et  donc alimenterait sa sale guerre. Ils se disent impartiaux, mais toutes leurs propositions reviennent, concrètement, à avantager la Russie. Aussi, nous n’avons aucun doute à les qualifier de « prorusses ».  Plongeons dans ce monde où la confusion mentale et le déni de réalité est vertigineux.

Les « poutinolâtres », des nationaux-bolcheviques prêts à l’action

Il y a d’abord les « poutinolâtres » qui sont chargés de diffuser le narratif russe et ses actualisations quasi-quotidiennes. Ils rassemblent les leaders d’opinion d’une nébuleuse de groupuscules très militants de l’extrême gauche anticoloniale et antisioniste et les héritiers de l’extrême droite nationaliste antisémite française (qui sont aujourd’hui plus anti-américains qu’antisémites). Il n’existe pas d’alliance formelle entre eux, mais une convergence des luttes contre les USA et/ou Israël qu’ils considèrent comme la même entité. Cette fraternité d’armes contre-nature, qui paraissait, il y a encore vingt ans, complètement inimaginable, est le fruit du travail assidu d’un homme assez connu dans les milieux parisiens intellectuels et du showbiz : Alain Soral.

Ami d’Alexandre Douguine (le grand promoteur russe du national-bolchévisme et idéologue principal donnant un cadre intellectuel à l'impérialisme russe et son expansionnisme militaire), Alain Soral a préfacé les traductions françaises de ses ouvrages et se décrit lui-même comme « très pro-Poutine ». C’est M. Douguine qui, en 2014, affirmait : « Annexer l’Union européenne est un grand dessein digne de la Russie(.) Le soft power suffira : trouver une 5ème colonne, propulser au pouvoir les gens que nous contrôlons, acheter avec l’argent de Gazprom des spécialistes de la réclame… ». Les apparences semblent lui donner raison. Alain Soral est proche de Xavier Moreau qui est le propagandiste en chef du Kremlin pour la France. Homme d’affaires habitant la Russie, il est dit « proche du pouvoir russe » et est la principale source d’information des poutinolâtres français, malgré le fait qu’il n’a cessé de se tromper (Poutine n’attaquera jamais l’Ukraine, la Russie va prendre en une semaine Kiev et l’Ukraine, les Ukrainiens attendent les Russes pour les libérer des « ukronazis », Kherson ne tombera jamais etc.. etc..). M. Moreau est ami et proche de Pierre Gentillet ; ils font partie tous les deux des « piliers » du cercle Pouchkine qui, selon une enquête journalistique, accueillait des réunions avec ces messieurs, des membres de l’extrême droite antisémites et le chef de poste du GRU (renseignement militaire russe) à Paris. Pierre Gentillet est un leader d’opinion des principaux médias de droite non progressistes comme CNEWS (équivalent français de Fox News). Il est également très proche de l’eurodéputé RN et ex-ministre des transports de Nicolas Sarkozy : Thierry Mariani. Ce dernier vient, avec l’ex-sénateur centriste Yves Pozzo di Borgo, d’être visé par une enquête pour corruption en lien avec la Russie. M. Gentillet a commencé la politique avec un petit groupe d’amis : Jordan Bardella (actuel président du deuxième parti de France : le Rassemblement National) et Sarah Knafo (directrice de campagne et maîtresse officielle et publique du candidat conservateur à la présidentielle, écrivain et polémiste très connu : Eric Zemmour). Il est intéressant de noter qu’Alain Soral prétendra également avoir eu une relation avec Sarah Knafo, et que l’un de ses promoteurs, Alexandre Orlov, l’ancien ambassadeur de Russie en France, était assez proche d’Eric Zemmour pour être un de ses deux parrains à l’entrée du club le plus select de Paris : le « Cercle de l'Union Interalliée ». Un des proches de Sarah Knafo est Erik Tegnér, fondateur de Livre Noir, média iconique dans le milieu de la droite non-progressiste. En difficulté financière, selon la Lettre A, il a emprunté plusieurs milliers d’euros à Charles d’Anjou. M. d’Anjou est installé à Moscou et est conseiller d'un groupe de sécurité privé russe présidé par un ancien colonel du FSB (Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie). Ce serait Xavier Moreau qui aurait aidé Charles d’Anjou à ses débuts. Charles d’Anjou, alors que ne frayant pas dans le milieux des médias mainstream, devient avec une facilité déconcertante, malgré son pedigree, fixeur dans la région ukrainienne du Donbass pour la principale chaîne de TV française : TF1. Il finance, sans que l’on sache réellement comment, le lancement d’un nouveau média en France avec 20 collaborateurs et une tête d’affiche : Regis Le Sommier (ancien directeur adjoint de Paris Match).  

La galaxie, aux mœurs souvent interlopes, de nationaux-révolutionnaires, nationalistes de gauche, nationalistes de droite, socialistes nationaux, nationaux-socialistes et nationaux-bolchéviques n’a électoralement quasiment aucun poids, mais est très influente idéologiquement chez les militants et les dirigeants de la droite et de la gauche. Les deux leaders les plus connus par le public, qui sont aussi les moins radicaux, sont MM. Asselineau et Phillippot. Ils ne pèsent rien électoralement, mais sont très bruyants médiatiquement du fait de leurs militants très actifs sur les réseaux sociaux et pour aller manifester. Les médias russes les utilisent quand ils veulent faire croire qu’en France, la population soutient la Russie. La convergence de luttes de cette nébuleuse se fait sur l’identification d’un ennemi commun, pour diverses raisons : les USA. Et sur la même cause qui leur tient à cœur, sur laquelle tous leurs sujets mènent : réouvrir les robinets de gaz et pétrole russes. Quand on les écoute, on a l’impression que le gaz russe est l’alpha et l’oméga pour que les Français vivent heureux. Il est bon, ici, de rappeler l’affirmation d’Alexandre Douguine : « Le soft power suffira : trouver une 5ème colonne, propulser au pouvoir les gens que nous contrôlons, acheter avec l’argent de Gazprom des spécialistes de la réclame ».

Les leaders d’opinion poutinolâtres sont des personnes violentes dans leurs propos (et parfois dans leurs actes) qui savent pertinemment qu’elles n’ont aucune chance d’accéder au pouvoir par les urnes. Aussi, ils ont pour modèle d’ascension celui de Lénine et espèrent, à la faveur d’une révolution ou d’un malentendu, arriver au pouvoir par l’amoralité, la détermination et la violence. Le livre de chevet des leaders de cette mouvance est le « Que faire ? » de Lénine et sa recommandation « d’utiliser toutes les manifestations de mécontentement et d’élaborer jusqu’aux moindres éléments d’une protestation, fusse-t-elle embryonnaire ». 

Russia Today, la chaine qui a converti la France non progressiste au narratif russe.

Cette recommandation a été la ligne éditoriale constante de « Russia Today » (RT) en France qui a couvert avec beaucoup de brio les manifestations des Gilets Jaunes et a su s’allier la sympathie de ses derniers par une couverture bien plus honnête que n’en faisaient les médias mainstream.  En effet, les éditorialistes (essentiellement parisiens) des médias de masse qui étaient à 90% pro-Macron ont fait preuve d’un mépris de classe particulièrement humiliant pour les Gilets Jaunes. L’entre-soi au sein des médias mainstream est d’ailleurs l’une des raisons du succès de « Russia Today ». Tous les journalistes, intellectuels ou éditorialistes refusant de promouvoir le credo progressiste sur l’immigration, les théories du genre ou encore l’identité ont été peu à peu exclus des médias de masse. « Russia Today » a pu ainsi récupérer le tout-Paris non progressiste qui n’avait pas beaucoup de choix s’il voulait vivre du fruit de sa pensée. Soyons honnêtes, sous le 1er mandat d’Emmanuel Macron, les médias mainstream ont été d’un unanimisme effrayant, et cette chaîne a été la seule à émettre un certain pluralisme d’opinions, qu’elles nous plaisent ou non. C’est la base de nos démocraties que de pouvoir avoir de vrais débats contradictoires. Ce faisant, « Russia Today » est apparu comme un média dissident, exposant la vérité que le mainstream refusait de diffuser. Elle a abordé tous les sujets que les médias de masse refusaient de traiter autrement que sous un angle idéologique progressiste. Comme par exemple les effets de l’immigration de masse sur le quotidien des Français. De nombreux Français sont caricaturés, parfois même insultés, par les médias de masse (en France, 90% sont progressistes) car votant RN, car catholiques pratiquants, car se plaignant de l’insécurité croissante liée à l’immigration de masse, car s’inquiétant de l’institutionnalisation des théories du genre. Ces Français-là ont trouvé une chaîne à leur écoute : RT.

De plus, et j’ai pu le constater à de nombreuses reprises au sujet de la Pologne, de grands médias décontextualisent et parfois même inventent des informations pour faire coller leurs articles à leur idéologie. Las et par paresse intellectuelle, désormais, nombre de Français, quand un média mainstream dit blanc, pensent que c’est forcément noir. De plus en plus de personnes jugent la bonne foi d’une source d’information à sa capacité à produire un narratif contraire à celui des médias mainstream. Ajoutez à tout cela que nous avons tous tendance à ne rechercher que des informations qui confortent notre vision du monde, et vous comprendrez aisément que les médias alternatifs et les influenceurs non progressistes, corrompus ou non, pour faire de l’audience doivent forcement produire du contenu en opposition avec celui des médias mainstream. Aussi, quand ces derniers sont pro-ukrainiens, les premiers doivent être prorusses pour ne pas perdre la majorité de leur clientèle. Le pire, pour eux, est que désormais, ils sont piégés, car au début de la guerre, ils se sont alignés sur les principaux leaders d’opinion « made in » « Russia Today ». Ils ont diffusé en masse de fausses informations plus délirantes les unes que les autres, des photomontages ridicules pour tous ceux qui connaissent l’Ukraine et des vidéos trafiquées à dormir debout. Aussi, désormais, pour ne pas se déjuger et se ridiculiser, ils sont obligés de continuer leur fuite en avant. Il est aussi à noter que les quelques influenceurs conservateurs sur les réseaux sociaux qui sont pro-ukrainiens préfèrent ne jamais aborder ce sujet pour de ne pas perdre leurs followers.

Ainsi, RT a non seulement réussi à faire passer, comble de l’absurde, le régime de Poutine pour un défenseur du pluralisme en France, mais aussi et surtout à imposer le narratif national-bolchévique russe comme doxa au sein des milieux non-progressistes. De plus, elle a propulsé et essaimé plusieurs leaders d’opinions qui, entre des sujets touchant le quotidien des Français (que les médias de masse refusaient de traiter), instillent la propagande de Moscou. Selon mes sources, les principaux leaders d’opinion chez RT gagnaient jusqu’à 8000 euros/mois. Après l’interdiction d’émettre dans l’UE faite à RT, les plus connus des influenceurs qui travaillaient dans les principaux médias de masse, même s'ils avaient cessé leur activité sur RT, continuaient de recevoir leur chèque. Toujours selon mes sources, les journalistes les plus connus pouvaient aussi toucher 50 000 euros et plus, pour une préface de livres russes, traduits en français, promouvant Poutine ou la Russie.

Même si RT a cessé toute activité en France depuis ce mois de janvier, à cause de la fermeture de son compte bancaire, elle a eu le temps d’identifier tous les leaders d’opinion, leurs proches, leurs manies, leurs vices cachés. En somme, cartographier le tout Paris. Les collaborateurs de RT diront que c’est du complotisme. Mais comment peut-on croire une seule seconde que Vladimir Poutine, ex-agent du KGB, service connu et reconnu pour son fichage systématique, ses opérations de manipulation et de chantage, a créé RT pour promouvoir la liberté de la presse en France ? Les plus naïfs diront que c’est juste l’influence habituelle que recherche tout pays. Certes, tous les États ont des outils d’influence et des services de renseignements à leur disposition, mais la différence, c’est qu’en Russie, c’est le service de renseignements qui a un Etat à sa disposition. Et « Russia Today » est l’un de ses outils. 

Les VIP français et leur support pour la Russie de Poutine:

La plongée dans les réseaux russophiles français n’est, hélas, pas finie, et nous arrivons dans la partie la plus obscure, la plus sujette à spéculation, celle des VIP. En France, les politiques français de tous bords, les services de renseignement, l’écrasante majorité de nos diplomates et grands experts n’ont rien vu venir et étaient totalement persuadés que les Russes n’attaqueraient jamais. Pire, ils ne comprennent toujours pas ce qui s’est passé. Pour les services de renseignement, trois explications sont possibles à cet aveuglement. D’abord, il y a peut-être tout simplement un problème de niveau. Tous les hauts fonctionnaires et les officiers militaires des services de renseignement que j’ai eu à écouter étaient loin d’être des lumières… et étaient tous bourrés de préjugés et stéréotypes. Il est possible qu’ils aient été  « intoxiqués » volontairement par les Russes - et involontairement par les Allemands. Car il semblerait que les services de renseignement français, pour ce qui concerne les pays de l’Est, s’appuient, notamment, sur les analyses de leurs collègues des services de renseignement allemands. Or, selon l’ancien premier ministre britannique, Boris Johnson, juste avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, « Paris disait à tout le monde que Poutine n'attaquerait jamais ; et Berlin, que si cela se produisait, qu’il vaudrait mieux que tout se termine rapidement et que l'Ukraine s'effondre ». Dans ce contexte, il n’est pas impossible que les services allemands n’aient fourni que des analyses apaisantes aux services français. Ensuite, nombre des think tanks prorusses, dont les sources de financement sont obscures, ont fleuri ses dernières années en France. Ils ont embauché des généraux et des directeurs du renseignement. Vu leur faible bagage intellectuel et la soif de reconnaissance qui va souvent avec leur occupation, il a sûrement été facile de leur faire imprimer le narratif russe - narratif que, désormais, ils étalent dans les médias mainstream et les réseaux sociaux.

Prenons l’exemple du « Centre Français de Recherche sur le Renseignement » (CF2R) dirigé par Éric Denécé, l’ancien officier dans le renseignement au sein de la Marine nationale, puis au Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale. Malgré un discours tellement prorusse qu’il ferait rougir Poutine lui-même, il a été l’invité de tous les médias. Ces derniers le présentent comme un expert, alors qu’il a d’abord accusé les Américains (avant l’invasion russe) de « mettre en scène une menace et une agression russe qui n'existent pas ». Puis, fin mars 2022, il a appelé Volodymyr Zelensky à présenter « des excuses pour avoir été à l'origine du conflit en Ukraine et avoir contribué à l'extermination de sa population ». Au sein du CF2R, vous retrouvez nombre d’ « experts » habitués des chaînes TV, radios ou des réseaux sociaux. Comme par exemple le Colonel Jacques Baud (Suisse), ancien membre du Service de renseignement stratégique, qui va dire sur tous les plateaux : « il n’y a jamais eu de troupes russes dans le Donbass avant le 23-24 février 2022, et Moscou n’armait pas les séparatistes ». Alors que les sources même de M. Baud disent tout le contraire, que Poutine lui-même dit le contraire, qu’une grande partie des dirigeants fondateurs des républiques séparatistes en 2014 ne sont même pas nés dans le Donbass. Ce sont des Russes tels que le célèbre héros des guerres russes Igor Guirkine « Strelkov ». Né à Moscou, il n’a jamais vécu dans le Donbass avant 2014. Il est en 2014 en Ukraine le commandant du GRU, la direction générale du renseignement, organise la rébellion armée des républiques séparatistes et devient même le premier ministre de la Défense du Donetsk. Même profil, origine et itinéraire pour M. Chetsov le ministre de la Sécurité. Ou pour M. Boradai, le Premier Ministre de la république du Donetsk…

Vous avez ensuite Alain Juillet, ancien directeur du renseignement de la Direction générale de la Sécurité extérieure et ancien employé de Russia Today, qui déverse sans aucune honte le narratif du Kremlin sur les réseaux sociaux. Christophe Gomart, ex Directeur du renseignement militaire, qui a quitté dernièrement le CF2R, ce qui ne l’a pas empêché de faire une émission sur YouTube avec Alain Juillet où les fake news les plus « bas de gamme » de la propagande russe ont été mises à l’honneur. Nous avons aussi Pierre Lellouche (ministre sous Nicolas Sarkozy) qui fait actuellement (et opportunément pour la Russie) le tour des plateaux TV et des rédactions pour alerter au fasit que l’aide militaire massive apportée à Kiev risque de ne pas permettre de résoudre le conflit, mais de l’aggraver. Comme si la paix dépendait de nous.

Encore quelques noms, mais je ne peux tous les citer : Alain Chouet, ancien Chef du Service de renseignement de sécurité (SRS) de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) ; le Général de brigade aérienne Pascal Legai, ancien commandant du Centre de Formation et d’Interprétation Interarmées de l’Imagerie (CF3I) de la DRM (2004-2006), ex-directeur du Centre satellitaire de l’Union européenne et « Senior Advisor » du directeur de l’Agence spatiale européenne ; ou le Colonel Igor Nicolaevich Prelin (Russie), vétéran du renseignement soviétique ayant servi toute sa carrière (1962-1991) au KGB où il a occupé successivement des fonctions au Service de contre-espionnage, au Service de renseignement (Guinée, Sénégal, Angola), à l’École de renseignement - où il fut notamment l’instructeur de Vladimir Poutine - et comme officier de presse du dernier président du KGB, le général Krioutchkov.

Pour ce qui est de nos diplomates et experts, il se peut qu’accaparés à échanger avec les élites russes (qui savent être particulièrement enjôleuses, cajoleuses, affables et aimables), ils se soient fait berner. En même temps, il leur aurait suffi de faire des tours dans les libraires russes ou regarder la TV pour se rendre compte que le régime réhabilitait Staline, préparait les Russes à la guerre et faisait croire à son peuple que l’Occident voulait sa destruction. Comment n’ont-ils pu voir que le gang de KGBistes au pouvoir en Russie était en fait des vieux soldats de la guerre froide qui n’attendaient qu’une seule chose : l’occasion de prendre leur revanche ? De même aujourd’hui : comment ne peuvent-ils comprendre que la paix signifierait la fin pour le régime de Poutine et que donc, pour lui, elle est inenvisageable ? Que la seule chose que nous pouvons offrir à Poutine qui pourrait l’agréer, ce serait de mourir avec les honneurs pour l’empire russe contre des forces surpuissantes et en surnombre, suivi d’un enterrement de 1ère classe et l’assurance de l’exposition de nos corps embaumés aux cotés de Lénine ?

Il y a aussi des complicités impressionnantes au sein des médias : sinon comment expliquer l’histoire incroyable d’Adrien Bocquet ? Magasinier dans l’armée française (moins de 2 ans), sans charisme particulier, ni réseau, il a réussi à faire le tour des TV et radios françaises en se faisant passer pour un commando de l’armée française témoin de crimes de guerre commis par les forces ukrainiennes à Boutcha, alors même qu'il ne s'y était jamais rendu. Il se trouve désormais en Russie et est présenté par la presse russes, au choix, comme un expert militaire ou un journaliste - et il vient de demander l'asile politique et la citoyenneté russe.

La France est un nid d’agents russes en capacité de changer la donne à moyen-long terme:

Le réseau rhizomique mis en place par les Russes en France est formidable. Par sa diversité, il est capable aussi bien de s’adresser à un boomer communiste qu’à un tiktokeur zemmourien. Surtout, il enlace complètement les élus non progressistes de militants actifs qui s’informent essentiellement sur les réseaux sociaux baignant jour et nuit dans le narratif russe et leurs journalistes, leaders d’opinion, experts, diplomates et officiers militaires retournés. Ne croyez pas que les élites progressistes soient épargnées : elles fréquentent aussi tout ce petit monde. Ils s’influencent donc forcément. D’où pensez-vous que sortent des éléments de langages comme : « donner des garanties de sécurité aux Russes » ? Ce ne serait pas plutôt à Moscou de nous donner ces garanties ? C’est elle, la puissance qui a le plus d’ogives nucléaires au monde, met en service tout un tas de «Wunderwaffen» (« armes-miracles ») inarrêtables, capables de détruire la moitié de la France en deux minutes ou de déclencher d’énormes tsunamis radioactifs, et qui vient d’envahir un pays !

Tout ce que je viens de résumer ici est public, alors imaginez tout ce qui ne l’est pas. Surtout quand on connaît les méthodes de corruption, de menace, de manipulation et de chantage du régime de Poutine. Pour autant est-ce un danger ? A l’heure actuelle non. 70% des Français sont en faveur de soutenir l’Ukraine, et les médias mainstream aussi. Par contre, depuis les Gilets Jaunes, tous les sociologues, politologues et autres climatologues de la société française sont unanimes à dire qu’elle est particulièrement divisée et inflammable. En même temps, les Français viennent de réélire Emmanuel Macron à une large majorité et alors qu’ils avaient un large choix, que ce soit à gauche ou à droite. Certes, il y a eu un taux d’abstention plus important que d’habitude, mais les abstentionnistes savaient très bien que leur refus de voter amènerait M. Macron au pouvoir. De plus, le chômage est bas, personne ne meurt de faim, le football, la TV, les réseaux sociaux, Netflix, Amazon et Disney distraient assez bien la population. Via l’action combinée de la France (en « good cop ») et de la Pologne (en « bad cop »), l’Allemagne a été contrainte de donner des chars lourds à l’Ukraine, ce qui écarte pour un an ou deux le spectre d’un retournement de la politique allemande en faveur de la Russie. A terme, par contre, un retournement de l’Allemagne ferait se diviser les élites progressistes françaises qui pourraient basculer dans la neutralité, surtout si elles étaient confrontées en même temps à des mouvements sociaux importants que la nébuleuse poutinolâtre s’empresserait d’essayer d’encadrer… 

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