Chaque année, comme bon nombre d'entre nous, je passe les vacances d'été en famille. C'est l'occasion de discussions politiques sans fin. Aimant les débats contradictoires, je me montre souvent, je l'avoue, provocateur. J'apprécie particulièrement de susciter des échanges sur l'immigration avec mes aînés, tant nos opinions divergent grandement sur ce point.
Les "papys boomers" avec qui j'ai ces échanges, des professeurs et hauts fonctionnaires, lecteurs de Badiou, Chomsky et autres Piketty, penchent plutôt à gauche (le plus à droite étant macroniste). Ils représentent assez fidèlement leur génération, qui influence l'issue des élections du fait de sa prépondérance dans la population et de son faible taux d'abstention. Sans toutes ces personnes nées pendant la période du baby-boom, Macron n'aurait pas gagné les élections présidentielles. Ils se voient eux-mêmes comme la génération qui a libéré les mœurs et les femmes, éradiqué les tabous désuets, abolis le racisme et l'homophobie, instauré un partage plus équitable des richesses. Pour les générations suivantes, cette génération fut l’équivalent d’un nuage de sauterelles dévastant tout sur son passage. Pour les jeunes de gauche, les boomers ont surconsommé sans limite, de façon déraisonnable, mettant ainsi en danger notre planète. Et pour les personnes de droite, ils ont dilapidé l’héritage matériel et spirituel de la France millénaire. Il est vrai qu’ils ont endetté le pays sur plusieurs générations pour s'octroyer des prestations sociales et des retraites confortables sans commune mesure avec ce qu'ils ont produit. Avec leur "révolution" de mai 1968 et sa "libération des mœurs", ils ont déconstruit toute une société qui est désormais en lambeaux, morcelée, fracturée, minée par les divisions. Leur seule réalisation aura été de jouir de la vie, de leur vie plus précisément. Ils auront porté l'hédonisme à son paroxysme. En cela, Emmanuel Macron, qui parle sans cesse de refonder tout et rien, sans jamais avoir édifié quoi que ce soit dans sa vie, si ce n'est sa propre carrière, est leur parfait héraut. Tout ce qui a contribué à la grandeur et à la richesse de l'Europe, ils ont tenté de le déconstruire. Ils ont censuré la liberté d'expression au nom du politiquement correct, soumis la démocratie aux desideratas des technocrates des hautes juridictions, relégué la Nation au rang de concept fasciste et réduit la chrétienté au statut de vieillerie insalubre.
Quant à mes "papys boomers" à moi, il est nécessaire de mentionner, à leur décharge, que ce sont des individus charmants, instruits et généreux. Ce sont, comme vous pouvez l'imaginer, des thurifères de l'immigration, considérant ces arrivants comme des "chances pour la France", un honneur pour notre pays d'accueillir ces malheureux, et une nécessité d'avoir des travailleurs pour occuper les emplois que les Français « ne veulent plus faire », tout en palliant la diminution de la natalité pour sauvegarder notre système de retraite. Ces arguments sont si éculés que l’on a presque de la peine à les ridiculiser, en rappelant par exemple qu'un immigré sur deux ne travaille pas, que l'immigration nuit aux travailleurs les moins qualifiés en exerçant une pression à la baisse sur les salaires. En France, l'immigration ne concurrence que les Français peu qualifiés et sert les cadres qui profitent à vil prix des immigrés femmes de ménage, Ubers, serveurs, plongeurs etc.. Sans l'immigration, les salaires pour les emplois peu qualifiés auraient augmenté, et les écarts entre les salaires les plus bas et les plus élevés ne seraient pas si marqués. De plus, comment peut-on croire que l'avenir de notre système et la perpétuation de notre mode de vie seront assurés par des millions d'Africains, non seulement peu qualifiés, mais aussi totalement désorientés voire dégoûtés par nos mœurs et valeurs ? Beaucoup de migrants en France viennent de nos anciennes colonies, où la haine envers la France est souvent enseignée ou instrumentalisée à des fins politiques. À leur arrivée en France, ils sont accueillis par des ONG néo-marxistes qui les endoctrinent en affirmant que l'État français est raciste. Leurs enfants, à l'école et à la télévision française, apprennent non pas à aimer la France, mais à la considérer comme criminelle envers leur pays d'origine. De plus, les nouveaux venus proviennent souvent de pays aux coutumes très différentes et subissant de plein fouet l'islamisme combattant. Les violences dans les pays de l'Ouest, qui sont très accueillants envers les migrants, ont explosé, surtout si on les compare aux pays de l'Est de l'UE tels que la Pologne. Lorsque l'on discute avec des personnes sur le terrain, qu'il s'agisse de policiers, d'avocats ou d'éducateurs, tous affirment que les personnes sans origine africaine sont minoritaires en prison. La réponse à ces contre-arguments reste invariablement la même : accuser ainsi des populations relève du racisme. Ce que la grande majorité des individus aspirent, c'est à vivre en paix et à travailler. Avec le temps, ils s'assimileront et deviendront de bons citoyens laïcs français. Il est à noter que ce discours rappelle beaucoup les discours de la gauche française de la fin du XIXe siècle, dont l'un des représentants les plus éminents, Jules Ferry, déclarait au sujet de la colonisation : »c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. (…) Il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » Nous nous trouvons dans le même schéma mental, d'autant plus qu'avec l'immigration massive, nous privons l'Afrique de ses forces vives, de ses jeunes les plus audacieux et entreprenants qui, mal adaptés chez nous, finissent au mieux livreurs de pizza, alors que s'ils étaient restés chez eux, ils auraient pu devenir entrepreneurs ou dirigeants politiques. Je ne sais pourquoi, mais il est très difficile de faire accepter que le but de démontrer le lien entre immigration et insécurité n'est pas de stigmatiser des populations, mais simplement de faire prendre conscience du résultat du choc de civilisations en cours en France. Pourtant, tout le monde admettra que si tous les jeunes Bretons décidaient de partir vivre en masse et en situation irrégulière à La Mecque, en Arabie saoudite, cela poserait des problèmes. C'est triste à dire, et moi-même il y a encore 15 ans, je n'y croyais pas, mais les sociétés multiculturelles aboutissent à des sociétés multiconflictuelles.
Depuis une petite dizaine d'années, le débat tourne en rond de cette manière, chacun restant fermement ancré dans sa vision du monde. Chaque année, je relançais la discussion, espérant que la dure réalité de ce qui se passait en France les ramènerait à la raison. Mais rien n'y faisait. Juste avant les émeutes et les pillages de juillet, nous avons eu ce débat sans fin. À la suite de ces événements, la dissonance cognitive entre leurs croyances et la réalité était visiblement observable. Nos échanges étaient bien plus tendus et marqués par des moments de silence. Parmi eux, il y a les maximalistes, pour qui nous n'en faisons pas assez pour l'immigration. Peu importe que vous leur disiez que nous pourrions au moins convenir qu'il faudrait mettre en pause l'immigration le temps de résoudre les problèmes, ils restent inflexibles : il faut en faire davantage, c'est tout, c'est la seule solution. Ensuite, il y a ceux qui se disent surpris de la situation actuelle (sans réelle conviction) et qui ne nient pas les problèmes, mais qui refusent de « rejoindre les idées de Marine Le Pen ». Je leur fais remarquer que ce n'est pas une argumentation, mais un réflexe conditionné, dicté uniquement par le politiquement correct. La conversation s'achève alors par un long silence. En groupe, personne n'exprimera d'opposition à l'immigration. Individuellement, cependant, certains, après les émeutes, « avoueront » qu'ils pourraient bien voter pour quelqu'un qui mettrait en pause l'immigration, mais pas pour Marine Le Pen. D'autres diront même qu'ils envisagent de voter pour Marine Le Pen ou pour toute autre personne qui rétablira l'ordre. Il y a peu de temps encore, la majorité des Français se refusaient à remettre en question l’immigration de masse. Dès que l'on avançait le moindre argument pour dénoncer ses effets néfastes, on entendait : « tu ne peux pas dire cela ». Des progrès ont été faits, et la prochaine étape sera peut-être pour la gauche de reconnaître que le visage de la France a radicalement changé, et pour la droite de comprendre qu'avec ce profond changement démographique, elle ne peut plus espérer gagner et éviter la catastrophe qu'en s’alliant l’électorat musulman. Aux États-Unis, il a fallu du temps aux Républicains pour tendre la main aux Hispaniques, qui votaient massivement pour les Démocrates alors qu'ils étaient majoritairement conservateurs et en faveur de restrictions de l'immigration. Le prochain virage de la droite française, si elle veut gagner, sera de se tourner vers les musulmans, majoritairement conservateurs mais votant pour la gauche radicale "woke", pro-IVG, etc. Ce sera une sorte de revanche de l'Histoire.
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