La presse française aime à donner des leçons sur la démocratie, les valeurs européennes et l'état de droit. Pourtant, la France est certainement l'une des démocraties où le manque de pluralisme, l'unanimisme quasi totalitaire des médias, est le plus inquiétant. Les journalistes français s'alarment beaucoup pour la liberté de la presse en Pologne, mais dans ce pays, 2/3 des médias de masse sont contre le gouvernement et tirent à boulets rouges tous les jours sur lui.
Certes, contrairement à la France, un tiers des médias y sont conservateurs et non progressistes. En France, 90-95% des médias de masse sont progressistes. Les médias publics, qui sont très influents, sont même ultra-progressistes. Alors qu'environ 30% des Français ont voté au moins une fois pour Marine Le Pen ou Eric Zemmour, vous devez avoir, au mieux, environ 1 ou 2% (voire 0%) de tous les animateurs, présentateurs, journalistes ou chroniqueurs salariés des médias publics qui ont voté pour l'un de ces deux candidats. Bien que 70% des Français voudraient une pause dans l'immigration, vous ne trouverez dans les centaines de milliers d'heures de programmes des médias publics qu'entre 0 et 3 journalistes salariés de ces médias publics qui défendent cette position à l'antenne. Mais attention, ce sont des journalistes impartiaux et démocrates, c'est juste que ceux qui ne pensent pas comme eux sont d'extrême droite et qu'il est salutaire de ne pas leur laisser la parole. Il y a encore 30 ans, il n'en était pas ainsi, mais peu à peu, tous ceux qui ont refusé de se soumettre à une certaine pensée autorisée ont été écartés.
Pour ce qui est des médias de masse du privé, ils ne sont pas aussi à gauche que leurs confrères du public, mais pour autant, ils promeuvent quasiment exclusivement les idéologies « progressistes ». Il existe 4 exceptions, la chaîne d'information en continu CNews, la radio Europe1, le magazine Valeurs actuelles et les médias du Figaro. Dans la grosse cinquantaine de médias de masse restant, vous n'entendrez jamais un de leurs éditorialistes critiquer l'immigration, les théories du genre, etc. ; c'est impensable. Le pire est qu'en dehors des débats entre élus, les débats contradictoires entre personnes averties ayant des visions opposées ont quasiment disparu.
Dernièrement, la rédaction du « Journal du Dimanche » (JDD) a fait grève plusieurs semaines car le propriétaire de cet hebdomadaire souhaitait y mettre à sa tête Geoffroy Lejeune, l'ancien directeur de la rédaction du magazine Valeurs actuelles. Les journalistes du JDD ont ainsi voté à 96% la grève tant que les deux revendications suivantes n'auront pas été satisfaites : « renoncer à la nomination de l'ancien directeur du magazine d'extrême droite Valeurs actuelles et offrir à la rédaction des garanties d'indépendance juridique et éditoriale ».
En France, une personne d'extrême droite n'est pas quelqu'un qui conteste le résultat des élections, est contre la démocratie et veut l'instauration d'un régime autoritaire, c'est juste toute personne qui est contre l'immigration. Geoffroy Lejeune affiche clairement cette opinion et est proche d'Éric Zemmour. Le plus impressionnant est le score soviétique du vote contre lui, 96%. Au moins 30% des Français ont les mêmes opinions que M. Lejeune et 70% en partagent avec lui. Mais dans cette rédaction, 96% des journalistes sont totalement contre lui. Une quarantaine d'associations de journalistes d'autres rédactions soutiennent publiquement cette grève. La quasi-unanimité des titres de presse qualifie désormais le magazine Valeurs actuelles comme étant d'extrême droite, alors que jamais il n'a appelé à la violence, contesté le résultat d'une élection ou le régime démocratique.
Le plus « drôle » est que ces journalistes qui se prennent pour de grands résistants défendant un contre-pouvoir indispensable à la démocratie ont demandé à l’homme politique le plus puissant de France, le président Emmanuel Macron (représentant suprême du pouvoir), d’intervenir. Il a répondu à leur demande en lançant des « États généraux de l'information » qui seront sûrement, comme d'habitude, aussi partiaux que partiels. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, s'est inquiétée de la nomination de Geoffroy Lejeune à la tête du JDD, et le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, a apporté son soutien aux journalistes en grève et affirmé : « Quand vous regardez CNews, quand vous regardez ce qu'est devenu Europe 1, quand vous regardez cet ensemble-là, la conclusion s'impose. Oui, CNews, c'est très clairement d'extrême droite. Je pense qu'ils font du mal à la démocratie, il n'y a aucun doute. » CNews, Europe1 et bientôt le JDD sont contrôlés par Vincent Bolloré (milliardaire français et catholique affiché). Il est honni par 90% des journalistes qui en font un milliardaire d'extrême droite, imposant ses « idées rances » à tous les médias qu'il achète. Christophe Deloire (qui vient d'être nommé par Emmanuel Macron délégué général des États généraux de l'information), secrétaire général de l'ONG, défendant soi-disant la liberté de la presse et les journalistes, « Reporters sans frontières », a déclaré : « Là où Bolloré passe, le journalisme trépasse. C'est un ogre qui digère les médias et les transforme en organe d'opinion ».
« Bizarrement », toutes ces personnes bien pensantes et impartiales se taisent quand des membres du gouvernement s’attaquent à leurs confrères des quatre médias non progressistes et ne s'émeuvent jamais que 90-95% des médias de masse en France soient tous progressistes et appartiennent soit à l'État, soit à 10 milliardaires. Il est vrai que nous vivons une époque formidable où les milliardaires et la « gauche » partagent les mêmes idées sociétales (genre, immigration...). Ces milliardaires sont des progressistes qui ne veulent que le bien de l'humanité et de la planète. En aucune manière, ils considèrent qu'une société de consommation la plus « ouverte possible » favorise leurs intérêts et fortunes. Eux ne s'attaquent jamais à l'indépendance de leurs journalistes et sont des humanistes nés, devenus multimilliardaires en aidant leur prochain et non en se battant pour ce faire. Ils n'ont aucune ambition de puissance ou d'influence. Ils ont acheté des médias non pour peser sur le pouvoir politique, mais pour participer à informer les citoyens de façon impartiale afin qu'ils effectuent des choix éclairés.
Plaisanteries mises à part, on ne peut que constater le contrôle de nombreux médias mainstream par des multimilliardaires ultra-progressistes tels que Bill Gates, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg et autres George Soros. Dans ce paysage, des Elon Musk ou des Vincent Bolloré sont des bouffées d'air salutaires pour le pluralisme. Mais cela ne doit pas nous empêcher de regarder la réalité en face. Il existe désormais une mainmise des ultra-milliardaires sur tous les principaux canaux d'expression et d'opinion (chaînes, radios, réseaux sociaux, presse) des démocraties occidentales. Pire, cette mainmise, combinée avec la maîtrise de l'intelligence artificielle, donne la possibilité d'influer massivement sur nos populations.
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