Le retour de l’immigration au centre des débats
Le 8 juin, les ministres de l’Intérieur des 27 États membres de l’Union européenne ont approuvé à la majorité qualifiée à Bruxelles un accord migratoire que la Commission européenne a qualifié d’« accord historique conclu ce soir entre États membres concernant deux textes phares du Pacte sur la migration et l’asile ».
Un accord qui passe très mal en Europe centrale et en Hongrie en particulier, où Viktor Orbán a fait depuis 2015 et l’épisode historique de la route des Balkans la lutte contre l’immigration illégale son cheval de bataille. Ce retour des quotas de répartition de migrants, mesure rejetée par référendum en 2016 par la Hongrie, et que l’UE essaye d’imposer depuis, malgré l’apparence d’abandon du projet par la chancelière Merkel, est une ligne rouge pour le gouvernement hongrois.
« Bruxelles abuse de son pouvoir. Ils veulent transférer de force des migrants vers la Hongrie. C’est inacceptable ! Ils veulent faire de la Hongrie un pays d’immigration par la force », a déclaré Viktor Orbán. De son côté, le quotidien pro-gouvernemental Magyar Nemzet titrait dimanche 11 juin à ce sujet : « Bruxelles ferait revivre la période de terreur de la migration de masse » : « L’Union européenne, qui n’a rien appris de l’échec de sa politique migratoire, poursuit les mêmes mesures infructueuses qu’auparavant, comme le montre le nouveau pacte migratoire voté jeudi. » Et de rappeler le chaos provoqué par la crise migratoire de 2015, lorsque près de dix mille personnes entraient illégalement en Hongrie, avant de s’entasser par milliers devant la gare de Keleti à Budapest, où la police luttait pour maintenir l’ordre face aux hordes de jeunes hommes clandestins véhéments.
Récemment, l’eurodéputé vert Daniel Freund, dont l’obsession à l’égard du gouvernement hongrois ainsi que de la question migratoire est bien connue, avait avoué que la Hongrie, en particulier, ne touchera pas les fonds qui lui sont dus tant qu’elle s’opposera à l’immigration – officiellement, c’est le non-respect de l’État de droit qui est avancé pour bloquer illégalement les fonds européens, mais il est clair que cela n’est qu’un prétexte pour effectuer du chantage politique sur les autorités hongroises.
Par ailleurs, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), le 22 juin, a rendu un nouvel arrêt défavorable à la Hongrie : la législation hongroise en matière de droit d’asile n’est, selon la cour, pas conforme aux obligations européennes.
« En subordonnant la possibilité, pour certains ressortissants de pays tiers ou apatrides se trouvant sur le territoire de la Hongrie ou aux frontières de cet État membre, de présenter une demande de protection internationale au dépôt préalable d’une déclaration d’intention auprès d’une ambassade hongroise située dans un pays tiers et à l’octroi d’un document de voyage leur permettant d’entrer sur le territoire hongrois, la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale. »
La Hongrie est ainsi sommée de modifier sa législation dans les meilleurs délais, sans quoi une nouvelle action en justice pour infraction à la législation européenne pourrait être intentée par la Commission européenne – et on peut faire confiance à la Commission pour le faire, saisissant toute occasion de faire pression sur le gouvernement hongrois.
En tout état de cause, c’est un nouveau coup dur pour la Hongrie qui depuis 2015 et la « crise des migrants » le long de la Route des Balkans essaye d’utiliser tous les moyens légaux possibles, et d’en trouver de nouveaux, pour endiguer l’immigration illégale extra-européenne massive. Il est par ailleurs à noter que la présente procédure, désormais condamnée par la CJUE, avait été mise en place suite à un précédent jugement de la même CJUE ordonnant la suppression des centres de transit fermés à la frontière avec la Serbie.
Le 26 juin, à l’occasion de la clôture de la présidence slovaque du Groupe de Visegrád, les Premiers ministres de quatre de Visegrád (Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie) se sont réunis à Bratislava, et se sont prononcé sur les quotas de migrants.
Selon Viktor Orbán, « il existe une solution à la migration, mais l’UE ne veut pas la mettre en œuvre […] Si nous disions que seules les personnes ayant suivi la procédure et reçu l’autorisation d’un État membre pour entrer dans l’UE seraient autorisées à le faire, nous serions sortis de ce pétrin. […] Il faut dire que l’ensemble de la proposition telle qu’elle se présente est légère de la part de la Commission et, de l’avis de la Hongrie, impropre à la négociation sous cette forme. »
Nouvelle pomme de discorde entre la Hongrie et l’Ukraine
Début juin, onze prisonniers de guerre ukrainiens, capturés par la Russie, ont été remis sans contrepartie à…la Hongrie. La raison ? Ces prisonniers sont ethniquement hongrois, provenant de la région de Subcarpatie (Transcarpatie du point de vue ukrainien).
Cela contrevient aux traités et usages concernant les prisonniers de guerre, mais si l’opération a été possible, c’est parce qu’elle a eu lieu par l’entremise de l’ Église orthodoxe russe et de l’Ordre de Malte.
En effet, officiellement, ni les autorités russes, ni les autorités hongroises n’ont négocié pour cette remise de prisonniers. « Cela s’est fait sans l’implication du gouvernement hongrois, » a déclaré le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó. « Cependant, nous sommes heureux que cela se soit produit, car si même une seule personne recouvre sa liberté, c’est une bonne nouvelle. […] Ces onze personnes peuvent circuler librement en Hongrie, elles peuvent faire ce qu’elles veulent, elles peuvent contacter qui elles veulent. […] Nous continuerons à insister sur la nécessité de parvenir à la paix le plus rapidement possible, car la paix mettrait fin à la souffrance des gens, à la souffrance de centaines, de milliers, de dizaines de milliers de personnes. »
Puisqu’il s’agit de citoyens ukrainiens et compte tenu du fait que la situation diplomatique entre Kiev et Budapest est déjà tendue depuis 2017 – et le vote d’une loi ukrainienne restreignant la liberté d’accès à l’enseignement en hongrois à la minorité hongroise d’Ukraine – sans parler de la volonté hongroise de maintenir des relations commerciales et diplomatiques avec la Russie malgré « l’opération spéciale », le MAE ukrainien n’a pas hésité à pointer la Hongrie du doigt.
Selon Dmytro Kuleba, ce transfert de prisonniers de guerre ukrainiens de Russie en Hongrie « a été réalisé en raison des intérêts politiques du Premier ministre hongrois [qui] devait montrer aux Hongrois en Hongrie et à l’étranger qu’il était leur seul protecteur ».
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