La situation de l'Église catholique en France est particulièrement préoccupante. Le nombre de prêtres diminue progressivement depuis plusieurs années. Au début des années 60, il y avait 41 000 prêtres en fonction. En 1995, ils étaient 29 000, et en 2020, moitié moins, soit environ 14 000. Parmi ces derniers, la moitié des prêtres français ont plus de 75 ans. Chaque année désormais, entre 600 et 700 prêtres partent, et ces départs sont loin d’être compensés par les quelques centaines de nouveaux prêtres qui entrent en fonction.
À ce rythme-là, dans moins de 30 ans, il ne devrait plus y avoir qu’environ 3 000 prêtres en France, soit 1 prêtre pour 20 000 habitants. On parle souvent à ce propos de crise des vocations, mais cette tendance s'explique aussi par un nombre de baptêmes en chute libre. En 1960, en France, il y avait 740 000 baptêmes, soit 91% des naissances. 20 ans plus tard, ce chiffre tombe à 64,3% des naissances, en 2000 à 52% et en 2020 (année du Covid) à moins de 13%. Les mariages catholiques ont été divisés par au moins 5 en 40 ans. Et parmi tous ces Français, une grande partie se marie à l’Église ou baptise leurs enfants plus par tradition que par conviction. Il existe une désaffection de la pratique religieuse générale. Très peu sont pratiquants et vont à la messe chaque dimanche. De ce fait, 5 000 églises sont menacées de disparaître d’ici à 2030, essentiellement à cause du manque de fidèles. Des associations exigent et obtiennent que des statues de Saints, de la Vierge ou encore des crèches soient retirées de l’espace public dans une relative indifférence.
Pour ma part, je me suis vraiment rendu compte de la situation il y a un an. Auparavant, j’avais cru à un certain renouveau, car les églises me semblaient se remplir, par rapport à il y a encore quelques années, où l’on pouvait assister à des messes bien tristes avec très peu de fidèles, tous particulièrement âgés. Mais cela est dû au fait que désormais les offices religieux sont rares et donc les fidèles s’y regroupent, donnant une impression de masse. Dans certains endroits de France, il faut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour assister à la messe du dimanche. Ainsi, en juillet dernier, j’ai assisté à une messe dans une toute petite église (ouverte uniquement l’été) d’un village dans une région française touristique. C’était la seule messe dans un rayon de 20 km, qui regroupe environ 5 000 personnes à l’année et peut-être 20 à 30 000 pendant les vacances. L’office était assuré par un évêque, seul sans aucun assistant, pour une petite trentaine de fidèles, dont un tiers devait être des touristes étrangers, un tiers des touristes français et le dernier tiers des habitants de la région.
L’Église de France, sûrement comme dans les autres Églises du monde, est traversée par deux courants principaux. Le premier est celui du pape François, souvent qualifié de « progressiste » ou de gauche, qui se concentre sur les questions d'aide aux migrants, d'ouverture aux minorités et de développement durable. En simplifiant, on peut dire qu'il voudrait faire de l'Église une grande ONG humanitaire, non pas pour évangéliser, mais pour participer à l'établissement d'un paradis sur Terre. Ce courant a largement soutenu Emmanuel Macron et son parti qui promeut l'euthanasie, la constitutionnalisation de l'avortement et l'avortement tardif pour des raisons « psychosociales ».
Le deuxième courant, souvent qualifié de « conservateur », est persuadé que nous sommes arrivés à un moment charnière de l'histoire de l'Occident, où quelle que soit la voie choisie par chacun, l'issue sera tragique. Pour eux, la situation générale de l'Occident, et de la France en particulier, ne cesse d'empirer avec les délires « woke », la sexualisation et la chosification des enfants. Ils sont stigmatisés par les médias et une grande partie de la classe politique pour leur vision non-progressiste du monde. Tout cela les amène à se considérer un peu comme les derniers Mohicans, parfois même à se rêver en martyrs, et à se préparer à de grandes persécutions. Mais ce faisant, ils s'isolent de la société et donc de l'impératif d'évangélisation. Ce courant constitue la base militante et financière de la droite conservatrice en France. Malheureusement, dans les faits, il soutient des leaders politiques peu recommandables. Les dirigeants de cette droite revendiquent haut et fort leurs racines chrétiennes, s'autoproclament grands défenseurs des valeurs et de la culture catholique, mais ne parlent jamais de Dieu, de la Vérité, ne promeuvent jamais une vie vertueuse et une conduite exemplaire. En même temps, comment pourraient-ils le faire ? Leur vie privée est en contradiction totale avec les enseignements du catholicisme. Ils ont une vie sexuelle particulièrement glauque et/ou vivent fastueusement avec l'argent des autres. Quand vous faites remarquer tout cela à ces « conservateurs » français, ils se lancent dans des discours particulièrement relativistes. Tous refusent de voir qu'il s'agit de transgressions, qu'en se libérant de toutes contraintes, leurs dirigeants abdiquent toute responsabilité, tels les progressistes soixante-huitards qu'ils critiquent tant. Comment ces catholiques peuvent-ils imaginer un seul instant confier l'intérêt général et l'avenir de la nation à des dirigeants qui, par leurs pratiques sexuelles et comportements, montrent un tel irrespect pour la personne humaine et un tel égoïsme ?
Comme on peut le constater, les deux principaux courants catholiques français ont deux grands points communs qui ne risquent pas d'arranger la situation catastrophique de l'Église de France. D'abord, les dirigeants politiques qu'ils se choisissent sont à mille lieues d'être des exemples, et encore moins des forces de conversion. Ensuite, l'évangélisation n'est pas leur priorité. En ces heures troubles et incertaines, ils se concentrent sur l'essentiel pour préserver le catholicisme français au-delà de la longue tempête qui arrive. Mais dans ce tableau extrêmement sombre, il existe quelques petites lueurs qui permettent d'espérer.
D'abord, cette année, le nombre d'adultes baptisés a augmenté, passant d'une moyenne d'un peu plus de 4000 à près de 5500. Si la quantité manque, la qualité est là. La vie paroissiale est assez dense. Rappelons-nous qu'au haut Moyen Âge et au Moyen Âge, l'espace chrétien se construit par le "bas". D'abord autour des lieux de réunion des croyants, puis de rassemblements dans les lieux où se trouvent les reliques de saints, des hommes et femmes exemplaires. Ces lieux vont devenir, au fil des siècles, des repères tant géographiques que moraux pour la société française. C'est ainsi que tout l'espace européen s’est structuré afin de tendre vers une vie vertueuse, une conduite exemplaire et l'excellence.
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