Six grands malentendus à propos de la Russie

2023-05-23
Temps de lecture 7 min
Lire les réflexions de nombreux leaders d'opinion français et de leurs partisans sur les réseaux sociaux au sujet de la Russie est à désespérer de l’humanité. Ils fondent presque toutes leurs analyses sur des malentendus qui ne peuvent aboutir qu'à des conclusions erronées.

Le premier mythe instauré par les communistes et la propagande poutinienne est que l'URSS (les idéologies n'étant à notre sens que des passades dans la vie des nations, nous parlerons indistinctement de Russie soviétique ou d'URSS) nous aurait libérés de l'Allemagne nazie. Tout d'abord, factuellement, pour la France (il me semble incroyable de devoir le rappeler), c'est faux : ce sont les Anglo-Américains et les forces françaises libres qui nous ont libérés. On pourrait répondre que c'est grâce au sacrifice de millions de Soviétiques qu'Anglo-Américains et FFL ont pu nous libérer. Cependant, cela n'est ni vrai ni faux. Il serait plus juste de dire que ce sacrifice a grandement accéléré la défaite allemande, qui se serait tout de même produite, et que Staline a utilisé ses soldats comme de la chair à canon. L'armée rouge, face aux Allemands, était très largement sous-équipée, mais grâce à son immense territoire, son manque d'infrastructures, son climat et son mépris total de la vie humaine, elle a réussi à arrêter les Allemands. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le général Guillaume, qui parlait et lisait le russe et qui, en 1945, a été nommé par le général Charles de Gaulle attaché militaire à Moscou, pour comprendre comment un pays si sous-développé avait pu résister et battre une partie de l'armée allemande. La première raison que retiendra le général Guillaume est l'indifférence absolue face aux pertes, liée, selon lui, tant au régime totalitaire qu'à la culture russe. On ne le dira jamais assez, mais la contre-attaque massive de la Russie soviétique pour arriver jusqu'à Berlin est réalisée grâce au matériel anglo-américain. Staline et le maréchal Joukov eux-mêmes le reconnaîtront. La moitié des bombardiers moyens des Soviétiques sont anglo-américains, ainsi que 92% des équipements ferroviaires produits. Les États-Unis et la Grande-Bretagne leur ont livré près de 50 000 Jeeps, 30 000 motos, 400 000 camions et tracteurs d'artillerie qui ont transporté les troupes russes et leur matériel. Les Anglo-Américains ont en plus chaussé les troupes russes avec 15 millions de paires de bottes, assuré leurs communications avec 16 000 téléphones et 28 700 radios, fourni les carburants spéciaux pour leurs avions, la nourriture, les tanks, etc. Même les orgues de Staline, les fameuses Katioucha, étaient montées sur des camions américains.

Face au complexe militaro-industriel américain, l'industrie allemande n'avait aucune chance à moyen terme. Aucune. Ensuite, allez dire à des Polonais, Baltes, Hongrois, etc., que les Soviétiques les ont libérés, alors que pour ces peuples, c'est un totalitarisme qui a remplacé un autre. D'ailleurs, rappelons-nous toujours qu'au début de la guerre, Staline était l'allié de Hitler. Sans cette alliance, Hitler n'aurait sûrement jamais attaqué la France, de peur de devoir se battre sur deux fronts distants de deux mille kilomètres. Des aviateurs français sont morts parce que des ouvriers communistes français avaient saboté, sur les chaînes de production en France, des avions à la demande expresse de Staline. Staline, qui jusqu'au dernier moment, a refusé de croire qu'Hitler allait le trahir. Et d'ailleurs, c'est le deuxième malentendu.

Le régime impérialiste de Poutine n'est pas anti-germano-nazi en raison de l'idéologie nazie et de ses crimes, mais parce qu'il en veut à Hitler d'avoir trahi Staline au lieu de dominer le monde ensemble. Autour de Poutine, il y a de nombreux néo-nazis, dont le plus connu est le fondateur des mercenaires du groupe russe Wagner, chargé des basses œuvres pour Poutine : Dmitri Outkine, qui s'est même tatoué les insignes de la SS. On pourrait également citer Joda, chef de la milice pro-russe néo-nazie du Donbass "Sparta", qui a été décoré à titre posthume par Poutine début 2022. Ou encore l'intellectuel de Poutine, Aleksander Douguine, fondateur du parti national-bolchévique. Avec lui et un cercle d'influenceurs, et c'est le troisième malentendu, ils préparent depuis 15 ans une guerre à grande échelle contre l'Ukraine, l'OTAN et l'Occident. Via des émissions de télévision, une grande production de livres et 700 BD pour adolescents chaque année, ils promeuvent des discours néo-impérialistes et néostaliniens. Cette propagande encourage un impérialisme revanchard sans limite, réhabilite Staline et démontre que si Hitler n'avait pas trahi, la Russie et l'Allemagne seraient aujourd'hui les maîtres du monde. Prokhanov, l'influenceur en chef de Poutine, déclare même fièrement que "Poutine n'est pas le successeur d'Eltsine, mais de Staline". Poutine lui-même affirme qu'il s'est senti humilié lors de la chute du mur de Berlin. Le but affiché de cette propagande est de détruire l'UE et l'OTAN pour récupérer les États membres dans une union eurasienne sous domination russe.

Et c'est le quatrième malentendu : toute l'intelligentsia autour de Poutine rejette l'État-nation et ne considère les souverainistes français pro-Poutine que comme des idiots utiles au sein de l'UE. Elle se déclare ouvertement pour le regroupement des nations sous l'empire russe ou au sein de celui-ci.

C'est là le cinquième malentendu. Nous avons cru que le soviétisme était une singularité, alors que ce n'était que la continuité de l'impérialisme russe qui, depuis trois siècles, attaque, colonise les pays voisins et persécute et déporte leurs peuples.

Le pire étant le sixième malentendu : ayant abandonné toute ambition, et donc politique, de puissance, les dirigeants politiques d’Europe occidentale, leurs diplomates, leurs généraux, leurs hauts fonctionnaires, leurs « experts », n’ont pas pu voir que chez la Russie, cette ambition de puissance était intacte et qu'elle était même à son paroxysme. Encore aujourd’hui, non seulement ils avoueront n’avoir jamais cru que la Russie envahirait l’Ukraine, mais qu’ils ne comprennent toujours pas pourquoi Poutine l’a fait.

 

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