En France, les violences policières sont devenues systémiques avec l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron
Désormais, si vous demandez à un Français s'il va manifester - acte banal dans toute démocratie - il n'est pas rare qu'il vous réponde qu'il préfère ne pas prendre de risque, tant le maintien de l’ordre lors des manifestations est devenu virulent.
En 2018, au moment des Gilets Jaunes, de nombreux journalistes européens m'ont interrogé sur le comportement de la police française et ont découvert un autre visage d'Emmanuel Macron, mais aussi de la Commission européenne, qui a été particulièrement bienveillante avec le gouvernement français. Imaginez le tollé si, en Pologne, des manifestations avaient été interdites, des personnes arrêtées simplement parce qu'elles portaient un T-shirt jaune, plus de 200 000 tirs de flash-ball et de grenades LBD avaient été lancés sur des manifestants, plus de 15 000 personnes avaient été interpellées, plus de 2000 blessées, plus de 350 touchées à la tête et une trentaine éborgnées ? Un seul de ces faits aurait déclenché des condamnations en chaîne du Parlement européen, des commissaires, des ONG et des médias.
Il est vrai que les Gilets Jaunes appartenaient à cette France périphérique que les élites exècrent. Rendez-vous compte, ils remettaient en cause les principaux dogmes du pouvoir progressiste. D'abord, la taxation des modes de vie soi-disant responsables du réchauffement climatique, mais en fait surtout en opposition avec la façon de vivre de plus en plus collectiviste des villes, imposée par l'urbanisation galopante. Ensuite, ils mettaient en question la bonne gestion des deniers publics par Emmanuel Macron, considéré alors comme la crème de la crème des technocrates progressistes. La France est le pays développé qui a le taux de prélèvement le plus élevé au monde, mais tous les Français ont l'impression de payer de plus en plus pour des services publics de moins en moins de bonne qualité. La question qui revenait sur toutes les lèvres des Gilets Jaunes était : « Mais où va l'argent ? »
Au début, le gouvernement et les médias de masse ont moqué leurs revendications et laissé entendre que les Gilets Jaunes n'avaient pas les compétences et les capacités pour comprendre à quel point la politique gouvernementale leur était profitable. Puis, une troisième revendication est arrivée : un débat national sur l'immigration. C'est à ce moment-là que le mouvement a commencé à être dénigré par les médias et les politiques, et que les violences policières contre cette « France périphérique » ont commencé.
Ce mouvement qui remettait en cause tout l'écosystème progressiste devenait trop dangereux. Il faut se rappeler qu'au paroxysme du mouvement, les officiers de la police et de la gendarmerie ont été obligés d'informer Macron qu'ils refuseraient de tirer sur la foule avec des armes létales. La police a alors reçu en quantité industrielle des grenades « défensives », des gaz et des flash-balls de calibres 40 mm. C'est cette répression et la complicité des médias mainstream, qui n'ont cessé de dénigrer les Gilets Jaunes auprès du reste de la population, qui ont permis de sauver Emmanuel Macron et tout l'écosystème progressiste. Sans la police, les Gilets Jaunes auraient certainement renversé le gouvernement.
Aujourd'hui, la situation est différente. Les images en début d'année des violentes charges et arrestations de la police française contre les manifestants s'opposant à la réforme des retraites ont interrogé non seulement la presse de notre continent, mais aussi les médias mainstream français. Ils s'en sont inquiétés, car dans la rue, ce n'était plus la France périphérique, mais le noyau dur militant de l'écosystème progressiste de gauche, les secteurs financés par l'État et soutenus par les médias publics : syndicalistes, ONG, partis politiques de gauche et fonction publique.
Le président Macron, comme avec les Gilets Jaunes, a tout fait pour que le mouvement dégénère, ce qui lui a permis, en faisant charger la police, de s'imposer comme le seul rempart au chaos qu'il crée lui-même. Mais cette fois-ci, il a eu tous les influenceurs et médias progressistes contre lui. Puis, en juin, ont eu lieu des émeutes et des pillages. Cela paraîtra sûrement dément à nos lecteurs européens qui ne vivent pas en France, mais suite à ces émeutes, pendant tout le mois de juillet, le gouvernement et les médias mainstream ont tout fait pour éluder le sujet de l'immigration. Le principal sujet de la presse française concernant les pillages de juin a été les violences policières. À la lecture de la presse, les émeutes semblent être de leur seule responsabilité.
De leur côté, les policiers ont lancé un mouvement pour signifier leur ras-le-bol. Il faut savoir que le policier qui a abattu le jeune Nahel est toujours en détention provisoire, car selon la justice, sa libération pourrait, notamment, « réactiver » de nouvelles révoltes dans les banlieues. Cela paraît totalement surréaliste, surtout quand on sait que selon la loi française, les policiers sont autorisés à faire feu sur un véhicule « dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui ». Or Nahel, 17 ans, connu des services de police, a été abattu alors qu'il roulait à vive allure sur une voie réservée aux bus, dans une Mercedes-Benz Classe A (Type 177), sans permis et sans assurance, et avait échappé une première fois aux policiers qui n'avaient pas sorti leurs armes, puis une deuxième fois alors que les policiers le menaçaient de leurs armes. Aussi, désormais, pour condamner le policier, il faudra prouver qu'il a tiré pour tuer en sachant que Nahel n'allait provoquer aucun accident – ce qui est impossible à démontrer et surtout ce qu'aucun jury populaire ne cautionnera. La preuve en est la cagnotte sur internet qui a été lancée pour aider la famille du policier en détention et qui a engrangé 1,6 million d'euros en 5 jours.
Mais la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c'est l'affaire « Hedi ». Hedi est un jeune homme de 22 ans qui, le 1er juillet, a reçu dans la tête un tir de LBD, puis aurait été passé à tabac par 4 policiers, le laissant ensuite gésir dans son sang. Ce jeune homme a été sauvé par les médecins, qui ont dû lui retirer une partie de sa boîte crânienne, ce qui le défigure. On ne sait pas pourquoi ces 4 policiers se seraient attaqués à ce jeune homme qui a un emploi et dont rien ne prouve qu'il a participé à des émeutes ou des pillages. Les quatre policiers ont été mis en examen, et l'un d'eux, comme le policier qui a abattu Nahel, a été mis en détention, ce sur quoi s'insurgent les policiers. Des collègues ont d'abord applaudi le policier à sa sortie du palais de justice, puis se sont mis en arrêt-maladie ou en burn out. Ce mouvement de la base s'est répandu rapidement dans toute la France. Voyant qu'il devenait important, les syndicats ont essayé de le canaliser via le « 562 ». Ce chiffre désigne un code de procédure signifiant que les policiers continuent d'assurer un service minimum, mais pas sur le terrain, sauf en cas d'urgence. Puis, le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, fait exceptionnel, a soutenu les policiers contre la décision des juges, en essayant de canaliser ce mécontentement en une revendication : « Avant un éventuel procès, un policier n'a pas sa place en prison ». Cette déclaration a provoqué immédiatement l'ire des magistrats et des médias mainstream, qui ont demandé au président de la République, aux ministres de l'Intérieur et de la Justice d'intervenir pour défendre l'autorité judiciaire. Bien sûr, Emmanuel Macron et ses ministres, qui savent que leur dernier rempart est la police, se sont bien abstenus de condamner les propos du haut fonctionnaire, qui était certainement intervenu avec leur consentement pour calmer la grogne. Mieux, alors que le dialogue social est loin d'être la force de ce gouvernement, le ministre de l'Intérieur est entré dans une phase de câlinothérapie avec ses troupes et, malgré l'insistance des journalistes, refuse de commenter le cas particulier d'Hedi.
Il ne faudrait pas non plus donner une fausse image de la police française qui est respectueuse si on l'est avec elle. Elle essaye autant que possible de protéger les biens et les personnes dans une France où l'insécurité a atteint des sommets. Les policiers sont même la cible des délinquants et criminels. Régulièrement, ils se font agresser, en service ou non, simplement parce qu'ils sont policiers. Ils sont en première ligne pour gérer le mécontentement croissant de la population à qui les dirigeants politiques progressistes ont promis le paradis sur terre, mais n'ont produit qu'une société française de plus en plus divisée, morcelée et fracturée. Les crises en France se rapprochent de plus en plus : « Bonnets rouges », « Nuit debout », « Gilets jaunes », grèves diverses et variées, blocages contre le « saccage de la planète », Covid, manifestations contre la réforme des retraites, émeutes urbaines, etc. Surtout, la politique d'emploi des forces de l'ordre lors des mouvements sociaux par le gouvernement ne peut que provoquer des drames. Il n'est pas rare que les policiers fassent plus de 12 heures d'affilée avec pour seul repas un sandwich. Face à des manifestants qui ne cessent de les harceler, au bout de deux, trois jours, il est normal que certains craquent, surtout quand cela dure plusieurs semaines. Et qu'en plus, entre deux crises, il faut faire face à l'insécurité en France, qui atteint des niveaux hallucinants et a une immigration incontrôlée. Le gouvernement, par idéologie, se refuse à limiter l'immigration et a une peur bleue de s'attaquer réellement à l'insécurité. Pour cela, il faudrait mettre en pause l'immigration, dédier des moyens énormes (places de prison, recrutements dans la police et la justice, etc.), s'aliéner les médias, partis et ONG de gauche qui garantissent à tout candidat progressiste de gagner l'élection présidentielle face à un candidat anti-immigration. Enfin, s'attaquer réellement à la criminalité, c'est l'assurance d'embraser pendant des mois les cités où les divers trafics font vivre une partie de la population. Dans ces conditions, vous comprendrez que les violences policières en France ne peuvent s'arrêter car elles sont devenues systémiques.
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